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Le Maître de Saint Séverin (peintre anonyme du 16e siècle) campe un Christ contemplant d’avance son propre relèvement. C’est la mort qu’il regarde en Lazare, face à face. Il devra la traverser et la vaincre. Ce passage de l’Evangile est en effet l’un des rares actes prophétiques préfigurant la Résurrection du Christ. Une méditation de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon.

De Lazare, que savons-nous ? Il demeure silencieux. Lazare n’est désigné que par l’affection du Seigneur pour lui. « Celui que tu aimes est malade » (1). Jésus lui-même identifie Lazare par l’amitié qu’il lui voue : « Notre ami Lazare », dit-il.

Cette amitié s’insère dans un réseau familial. « Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare » (2). Marthe, Marie, Lazare forment une triade en laquelle éclate le mystère de l’amitié. Lui correspond le tryptique Pierre, Jacques et Jean, dont il est fait mention à plusieurs reprises dans l’Écriture. Mais quelle est la nature de cette amitié qui fait de Béthanie un havre de paix pour Jésus ? ll aime s’y retrouver et y passer quelquefois la nuit (3). L’amitié est une bienveillance mutuelle et apparente par laquelle certains se veulent du bien réciproquement. La définition d’Aristote s’applique aux liens qui se sont tissés entre Jésus et Marthe, Marie et Lazare. Cependant, aucune amitié particulière ne peut épuiser ou absorber la plénitude d’amour que Jésus offre aux hommes. Il y a disproportion de mesure tant il est vrai qu’il y a différence de nature et d’amplitude.

L’amitié de Jésus vis-à-vis de chaque membre de la famille de Béthanie souligne et caractérise une note singulière de cette relation. Marie, que certains exégètes identifieront sous les traits de la Madeleine, personnifie l’écoute et l’intériorité. Elle se tient attentive aux pieds de Jésus (4). Elle a choisi la meilleure part : celle du cœur. Marthe, dont le nom signifie « maîtresse » est une femme de tête, de gouvernement et d’initiative. Elle va au-devant de Jésus reprochant l’inertie de sa sœur (5) ou le suppliant d’intervenir en faveur de son frère décédé (6). Lazare figure le corps.

Le narrateur ne connaît pas Lazare par ses paroles ou par ses gestes, mais uniquement par ce qui advient à son corps physique, à la disparition duquel Jésus pressent son proche avenir. Sans parler lui-même, Lazare est un personnage qui fait parler ! Il est le révélateur de ceux qui se pressent à son tombeau.

Le maître de Saint Séverin exprime tout en nuances et en délicatesse le miracle de l’amitié. Telle une salle de théâtre, le tableau du peintre de Cologne se découpe verticalement en deux parties. En bas, la scène de la résurrection. En haut, la foule des spectateurs, et leurs réactions spontanées ou calculées. Le cadavre déposé depuis quatre jours devait distiller une puanteur nauséabonde. Les Juifs se tiennent à distance du tombeau, et pour éviter d’être incommodés par la putréfaction, se masquent le visage au point de ne plus voir Lazare qui exécute sa sortie de mort.

Au premier plan, accompagné des deux sœurs, Jésus désigne de la main son ami réanimé mais encore livide, ceint d’un linge blanc, signe de résurrection. Il vient de lui intimer l’ordre de vivre : « Lazare, sors » (7). Jésus s’adresse au défunt comme s’il était encore vivant ! Il le provoque par son nom, qui accomplit alors ce qu’il signifie : « force de Dieu ». Le trépassé se dresse alors sur la pierre de la sépulture « les pieds et les mains attachés par des bandes » (8). L’artiste représente Jésus désignant dans un geste liturgique et consécratoire ce qu’il adviendra de son propre ensevelissement. « Ceci sera mon corps » devrait-il dire. Lazare figure prophétiquement le destin qui sera celui du Christ le troisième jour (voir notre site La Résurrection du Christ), tandis que Jésus prend analogiquement la place de Lazare aux côtés des deux sœurs. On reconnaît Marie dont les mains jointes prolongent en prière la main tendue du Christ, manifestant ainsi le parfait exaucement de son intercession.

Marthe, plus altière se tient à sa gauche. Tout d’un coup inemployées, ses mains, symbole de service, se calfeutrent sur sa poitrine. Elle ne peut plus rien faire sinon laisser faire. Elle est la figure de la croyante « Je sais que tu es le Christ, le Fils de Dieu », reconnaissant en Jésus l’irruption du Dieu des vivants parmi les hommes.

« Déliez-le », dit Jésus. Quel est ce personnage tout ébaubi qui s’exécute ? Probablement Pierre, qui se rappela les recommandations du Maître : « ce que tu auras lié sur la terre sera lié aux cieux, ce que tu auras délié sur la terre sera délié aux cieux » (10). Ces paroles seront corroborées au soir de Pâques par les ultimes consignes du Ressuscité. « Recevez I’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (11).

Sur les ordres de Jésus et par les mains du premier des apôtres, l’Église est investie d’un ministère de délivrance et de miséricorde. Le rouge de l’écharpe de Pierre suggère le prix qu’il devra payer lui-même pour exercer ce ministère de libération : le sang de son martyre, imitant et complétant celui du Christ. Jésus lui confère le pouvoir de faire vivre.

Il s’écria d’une voix forte : ”Lazare, viens dehors !” – Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. (12)

A l’arrière scène, sur la gauche du tableau, campé en témoin interloqué et interdit, Thomas (13) est toujours livré au doute et au scepticisme qui éclateront à l’occasion des apparitions de Jésus ressuscité (14).

Les larmes de Jésus se sont séchées. Son frémissement intérieur, en s’approchant de la mort de Lazare qui annonce la sienne, a cessé. Le Maître de St Séverin campe un Christ contemplant d’avance son propre relèvement. C’est la mort qu’il regarde en Lazare, face à face. Il devra la traverser et la vaincre.

Alors, rassemblant autour de lui la prière de Marie, la foi de Marthe, contemplant le signe précurseur de la réanimation de Lazare qu’il vient d’accomplir, Jésus s’avance lui-même vers sa Pâque. Déjà en haut du tableau, se dessinent ‘a l’horizon les premières portes de Jérusalem et l’on devine le chemin qui y conduit.

Notes

(1) Evangile de Jean, chap.11, verset 3

(2) Jn 11,5

(3) Mc 11, 12

(4) Lc 10, 38-42

(5) cf. Lc 10

(6) Jn 11, 20-21

(7) Jn, 11,43

(8) Jn, 11,44

(9) Jn 11,27

(10) Mt, 16,19

(11) Jn 20,23

(12) Jn 11, 43-44

(13) Jn 11,16

(14) Jn 20,24 et suivants

Source : Il est vivant!

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